
Le Conseil d’Etat rejette la demande de suspension des textes règlementaires portant sur les distances minimales d’épandage des pesticides des Maires anti-pesticides !
Publié le :
03/03/2020
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Un collectif des maires a contesté devant le Conseil d'Etat, la légalité de nouvelle réglementation encadrant l'utilisation des pesticides à proximité des habitations, c'est-à-dire le décret et l’arrêté interministériel retenant des distances minimales de sécurité de 5, 10 et 20 mètres pour la protection des riverains en matière d’épandage des pesticides.
Il a en outre demandé suspendre les textes susvisés sur le fondement des dispositions de l’article L.521-1 du Code de justice administrative. Cela supposait de démontrer l’urgence à prononcer la suspension de ces textes d’une part, un doute sérieux quant à leur légalité d’autre part (CE, ord., 14 février 2020, n°437814 ).
Il a, à cet égard, soutenu que la condition d’urgence était remplie dès lors, que la toxicité non contestée des pesticides impose l’adoption de mesures garantissant la sécurité des riverains. Il a, par ailleurs, soulevé que la règlementation contestée faisait obstacle à l’exercice de la compétence des maires pour prendre au titre de leur pouvoir de police générale les mesures nécessaires à la protection des populations (à propos des antennes relais de téléphonie mobile CE, 19 juillet 2010, Association du quartier Les Hauts du Choiseul , n°328687 ; ou encore des OGM, CE, 24 septembre 2012, Commune de Valence, n° 342990).
En ce qui concerne le doute sérieux, il a été notamment soutenu que le décret et l’arrêté contestés étaient notamment entachés d’une erreur manifeste dans l’appréciation des mesures qu’appelle l’application du principe de précaution garanti tant par l’article 5 de la Charte de l’environnement que par le droit de l’Union européenne, qui impose d’interdire toute exposition des personnes résidentes aux produits phytopharmaceutiques.
Or, le Conseil d’État, statuant en référé, a rejeté la demande de suspension pour défaut d’urgence au motif que "les risques pour la santé qui résulteraient des distances minimales retenues par l’arrêté ne sont pas suffisamment étayés" et que l'urgence à suspendre l'arrêté n'était pas établie. Il a motivé sa décision en relevant que « les distances retenues correspondent aux distances minimales préconisées par un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) du 4 juin 2019 et les dépassent en ce qui concerne les produits les plus dangereux", que "plusieurs études et travaux d’évaluation sont en cours sur ce sujet en France comme à l’étranger" et que "les autres États membres de l’Union européenne n’imposent pas, à ce jour, de distances de sécurité générales supérieures à celles prévues par l’arrêté contesté".
Le juge administratif ne s’est pas prononcé sur l’application du principe de précaution, ni sur l’ensemble des autres moyens de légalité, renvoyant la discussion dans le cadre de l’instance au fond portant sur l’annulation de ces textes contestés.
Espérons que l’instance au fond permettra de clarifier le débat sur les périmètres de sécurité en cas d’épandage au nom du principe de précaution, et peut être contraindre le gouvernement à augmenter les distances aujourd’hui retenues.
Il appartiendra au juge administratif de vérifier si le gouvernement n’a commis une erreur d’appréciation en retenant ces distances, à l’instar du Tribunal administratif de Lyon le 19 janvier 2019 qui avait annulé la décision du Directeur de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ayant autorisé le 6 mars 2017 la mise sur le marché du Roundup Pro 360, herbicide à base de glyphosate, commercialisé par la société MONSANTO.
Rappelons pour conclure que le Conseil d’État avait déjà annulé plusieurs dispositions de l’arrêté interministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants (plus couramment dénommés pesticides) au motif que ces dispositions ne protégeaient pas suffisamment la santé publique et l’environnement (CE, 26 juin 2019, n° 415426, 415431).
Le principe de précaution exige de prendre des mesures de protection malgré la nature incertaine des risques, se pose en l’espèce la question du niveau de risque acceptable en l’état des connaissances scientifiques.
Didier DEL PRETE, avocat associé, cabinet BOREL & DEL PRETE
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